33 ans de solitude pour le ‘camara’ Emmanuel

m.armanino . 08/07/2024 . Temps de lecture : 2 minutes

Il part à l’âge de 17 ans de son comté natal, Maryland, au Liberia. Nous sommes en 2008 et nous nous trouvons dans le premier mandat d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme présidente du pays ensanglanté et divisé par des années de guerre civile. Emanuel quitte la ville portuaire de Harper, également appelée Cape Palmas, pour passer dans la Côte d’Ivoire voisine et s’installer à Tabou, ville refuge pour des milliers de Libériens. Après quelques années, il se retrouve à Zerekoré en Guinée parmi des milliers d’autres réfugiés et survit comme agent informel de change grâce à un frère aîné. Des amis et la navigation sur Internet le font migrer en Algérie en 2012. Ce qu’il recherche, c’est la traversée de la mer Méditerranée qui se pose comme une ligne de partage entre les deux continents, dont l’un qu’Emanuel voudrait abandonner à son sort. En Algérie, il gagne suffisamment pour tenter la traversée de la mer et passe au Maroc. Trois fois, il tente de laisser derrière lui le continent africain et trois fois, les garde-côtes marocains ramènent les embarcations sur le rivage. Pour les deux premiers voyages, il a dépensé 500 euros tandis que pour le dernier, il en a déboursé, inutilement, le double. Il faisait la navette entre les deux pays, le Maroc et l’Algérie, où il travaillait comme manœuvre et gagnait suffisamment pour payer ses voyages.

Nous sommes maintenant en 2022. La vie d’Emanuel semble être redevenue normale et pendant un an, il se réinstalle à Alger. Dans la rue, comme les autres Africains noirs, il est souvent appelé ‘camara’ (camarade) ou ‘dog’ (chien). Entré dans un magasin pour acheter de quoi se nourrir, il a été arrêté par un policier. Ils l’ont arrêté, volé et finalement déporté jusqu’à Tamanrasset. Ici, il a cohabité dans le centre de détention avec des centaines d’autres migrants, réfugiés ou demandeurs d’asile. Après quelques semaines, ils ont été embarqués puis jetés dans le désert près de la frontière avec le Niger. Une semaine à Assamaka, ville migrante inventée de nulle part, puis à Agadez. Il passe quelques mois dans le nœud des migrations d’Afrique occidentale et centrale, pour atteindre, par des moyens de fortune, la capitale Niamey. Il habite, depuis quelques semaines, avec des dizaines de migrants comme lui, non loin de l’actuel palais utilisé comme Ministère de la Justice qui n’existe pas. Emanuel garde 33 ans de solitude et espère traverser la mer une dernière fois.

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